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La vie dans mon quartier de lune
2 avril 2012

Un Dimanche chez les Fous

Un Dimanche chez les FousA l’école primaire, il fallait toujours qu’on fasse des rédactions dont les sujets frisaient en permanence l’atteinte à la vie privée : « Racontez vos vacances », « Qu’est-ce que le Père Noël vous a apporté  et portez-vous des slips ou des caleçons », tout ça. Du coup, conditionnée par cette manie de raconter sa vie, je m’en vais vous décrire mon weekend que je souhaite intituler sobrement « Un Dimanche chez les Fous ».


Séquence 1 : j’ai rendez-vous avec mon frère siamois sur  une place, près de la Fontaine. Je sors du métro, je remonte la rue en direction de la magnifique place Saint-Sulpice, et je m’approche de la Fontaine. Un crétin s’amuse à secouer un platane comme un cocotier, je m’attends à voir une demi-douzaine de cocoshakers tomber de là en râlant, mais suis à la place assaillie par une nuée de pigeons effrayés, qui volent en rase-motte, et je suis plantée là, au milieu, sans refuge possible, à tenter de me rappeler ce qu’il ferait, Harrison Ford, perdu avec son vaisseau dans un champ d’astéroïdes. J’échappe de peu à l’emplafonnement de pigeon en pleine figure, et je tape rageusement le numéro de Siamois sur mon téléphone, pour passer mes nerfs sur lui. Quand je lui pose cette question originale « t’es où ? », il me répond avec une ingénuité qui me donne envie de lui assener l’encyclopédie Universalis très fort sur le haut du crâne, « Ben je t’attends au métro, pourquoi ? ». J’apprendrai par la suite qu’il se tenait dos tourné à la rue, abrité derrière le store d’un café, les yeux rivés à son iPhone. Je pense qu’il a cru qu’on jouait à Où est Charlie. Pas de chance, j’étais d’humeur très moyennement joueuse.


Séquence 2 : après un cocktail (de trop), Siamois et moi-même décidons de regagner nos pénates après un petit tour en haut de la Tour Montparnasse, avec Siamois qui s’étonne à (très) haute voix et plusieurs fois de suite de devoir payer son billet d’entrée alors qu’il est prof. Je suis obligée de le pousser un peu énergiquement vers l’ascenseur panoramique en me promettant de ne plus jamais laisser un mojito s’approcher de lui, c’est de la mauvaise qualité, ces jeunots, ça tient même pas l’alcool. L’heure suivante sera essentiellement consacrée à garder un œil sur Siamois histoire qu’il ne se retape pas les 56 étages en sens inverse en accéléré à cause d’une bête histoire de vertige, et l’autre œil sur mon appareil photo qui s’engage clairement dans la voie de l’art abstrait. Résultat des courses : je ressemble à Jean-Paul Sartre.


Séquence 3 : installés devant  le Sixième Sens, que je regarde en stroboscope (un coup je me cache les yeux, un coup je me cache les yeux), mes trois amis fixent l’écran en retenant leur souffle. Je me risque à jeter un coup d’œil derrière ma main au moment précis où trois pendus apparaissent subitement sur l’écran. J’effectue ma meilleure imitation à ce jour du Lapin à Ressort, et je hurle en sautant sur le canapé. Mon voisin de sofa, pas ému pour un sou par le film, manque en revanche de mourir d’une crise cardiaque à cause de mon cri de terreur improvisé, et saute à son tour pour atterrir sur son voisin de l’autre côté, et ainsi de suite. Bref, un beau jeu de dominos.


Séquence 4 : dimanche matin, mon corps me rappelle que je n’ai plus 20 ans et qu’avec un mojito + un film d’horreur + couchée à 3h du matin, j’ai largement dépassé mon autorisation de découvert. Avec le même entrain qu’un lion de mer neurasthénique, je me lève et me traîne jusqu’à la cuisine pour appeler les secours sous forme d’une tasse de thé. Lors de ma progression, je croise Siamois, rouge et dégoulinant, dans une position tout aussi insolite que la mienne, et je m’aperçois que les bruits de tuba sous-marin à la façon de Nicolas Hulot dans Ushuaïa proviennent de lui. Je rassemble suffisamment de force pour lui demander ce qu’il fabrique, il m’annonce tout sourire entre deux grimaces qui me serrent le cœur au point que j’ai envie de l’achever pour abréger ses souffrances : « Je fais mon sport. Eh !!! J’ai une super idée ! Ca te dirait, de faire 15 minutes d’abdos fessiers avec moi ? » L’espace d’un instant, je m’interroge sur l’éventualité qu’il ait pu se cogner accidentellement la tête sur le parquet lors de ses exercices de barbare mais il a l’air aussi normal qu’il lui soit d’ordinaire possible. J’ignore à la fois sa question et le doute qui s’insinue dans mon esprit (qu’essaie-t-il donc de me dire, avec ses abdos fessiers ? Ils sont très bien comme ils sont, mes abdos fessiers, non ?) et je continue de ramper jusqu’à la cuisine.


Séquence 5 : Déjeuner à 16h, saloperie de changement d’heure (voir post de la semaine précédente à ce sujet), la discussion porte sur les champignons et dérive rapidement. Siamois 2 me paraît bien silencieux depuis quelques minutes, il a ce regard rêveur que l’on retrouve, dans une moindre mesure, chez les peintres surréalistes avant de peindre des montres dégoulinantes. Je le surveille du coin de l’œil pendant que la conversation sur les champignons bat son plein. Rassurée, je m’investis dans ladite conversation quand, lors d’un temps mort, Siamois 2 déclare : « Comme j’ai envie de partir en vacances à Tchernobyl….. » Je dégringole de ma chaise. Je compte sur le bon sens de mes deux autres convives pour ramener Siamois 2 dans notre dimension à grands coups d’irradiation et de plutonium, pendant que je me relève. Siamois 1 répond : « j’ai pas les sous », et le troisième comparse ajoute : « moi j’ai pas assez de jours de congé. » Je re-dégringole de ma chaise. On nage en plein délire, je suis Alice et je déjeune avec le Lièvre de Mars et le Chapelier Fou. Siamois 2 pas découragé pour si peu dégaine son iPad et fait défiler des tas de photos en nous faisant le commentaire « ici c’est les autos-tamponneuses  abandonnées par les gamins à l’époque de l’explosion ; là c’est des prunes…ah nan, attendez, des raisins…Nan….Enfin des fruits, quoi. Je crois. », aussi enthousiasmé que s’il nous montrait des photos de ses vacances à Cuba, mais en beaucoup plus axé dévastation nucléaire, quand même. Je me prends la tête dans les mains, ma migraine repart de plus belle.


Séquence 6 : de retour chez moi, je reçois un message des Siamois m’annonçant que j’ai oublié ma brosse à dents de fille là-bas. Le message est daté du premier avril, je me dis que peut-être tout ceci n’était qu’une immense blague, les abdos fessiers, les vacances à Tchernobyl. Mais le message se termine sur une note de tendresse non dissimulée : « ce qu’il y a de bien avec toi, c’est que tu es aussi folle que nous ! » Je vais me dépêcher de réserver mes vacances en Suisse avant d’être embarquée dans un tour opérator à Tchernobyl.

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