Soir
Mon cosmonaute dans la nuit, mon cosmonaute sous la pluie, et le rire de ma copine sur les boulevards de Paris, deux silhouettes dans la bruine de Saint-Germain des Prés, et la vitrine des magasins dans nos reflets.
Je t'imagine dans un studio dans les heures fatiguées d'après minuit, et quand une moto passe dans la nuit parisienne, je me dis toujours que cette moto, c'est forcément la tienne. Je te vois concentré et scrutant le plateau, peut-être la lumière pour encore une photo, j'aime les messages que tu m'envoies dans ces moments-là, et qui ouvrent un passage à une troisième voix. J'aime ces nuits où tu me dis "je serai là dans 20 minutes", et où je compte les motos pour guetter celle qui va ralentir comme d'autres comptent les moutons pour s'endormir.
Et puis l'ascenseur, et puis ton casque de cosmonaute, et ton parfum dans le col de ton blouson, qui me disent que tu es rentré à la maison.
Nos deux vies parallèles finissent toujours par se rejoindre, nous sommes le contre-exemple qui défie toutes les lois mathématiques, et quand tu me touches, mon homme, on détraque aussi le monde électrique. Quand ton hémisphère rejoint le mien et que l'on perd le nord, et que notre monde si rond nous fait crier encore, j'oublie qu'il est une heure du matin et qu'on se lève demain, j'oublie qu'il y a peut-être de la vie sur Mars et qu'il en reste un peu ici aussi, on pousse la porte de notre monde à deux, et la géométrie tombe dans le feu. Il n'y a plus d'espace, il n'y a plus de minutes, il n'y a plus que ce livre qu'on écrit ensemble, il n'y a plus que ce lit qu'on défait ensemble, il n'y a plus qu'une ligne fine et horizontale, et la chaleur de l'Equateur, tropicale.