L'Etudiant en médecine

Ce midi, je suis passée rue de l’Ecole de Médecine. Par une intéressante coïncidence, le quartier grouille de cardiologues et de chirurgiens en devenir, et il me semblait important de publier ce soir pour tous mes lecteurs une mise en garde contre l’étudiant en médecine. Je sais de quoi je parle, j’ai passé cinq ans avec un échantillon gratuit (d’accord, l’expérience était un peu biaisée parce que le mien, en plus d’être étudiant en médecine, était aussi américain, alors allez savoir ce qui relevait du médicinat ou de l’américanat…) Laissez-moi donc vous démontrer en quoi vous ne devriez pas laisser un étudiant en médecine se mouvoir à moins de quinze mètres de vous, pour votre propre survie mentale.

L’EM (et notez comme l’abréviation d’Etudiant en Médecine s’approche dangereusement de l’Emmerdeur) vous trouvera toutes les maladies du monde si vous commettez l’erreur d’éternuer en sa présence. Même ma mère ne peut pas rivaliser avec la créativité crépusculaire de l’étudiant en médecine, elle qui peut normalement me sortir une pneumopathie virulente de son chapeau lorsque je sors sans écharpe. L’étudiant en médecine a passé huit ans de sa vie à avaler des borborygmes dans des langues incompréhensibles, alors il n’est pas là pour rigoler. Le jargon médical est pour lui comme une sorte de service à poisson en porcelaine  qu’il exhibe à tous les repas pour la simple et bonne raison qu’il lui a coûté un bras. Ainsi, il vous arrose généreusement de symptômes apocalyptiques aux noms tous plus savoureux les uns que les autres à la moindre alerte, avec une facilité déconcertante : un nerf qui vous pince dans le dos vous conduit à envisager naïvement un début de sciatique (expérience vécue, ndlr), Grand Dieu, que nenni ! L’étudiant en médecine ne se laisse pas emberlificoter par les statistiques, lui, et  vous diagnostique une encéphalite japonaise aiguë suite à une piqûre de moustique pendant vos vacances à Nesle-la-Gilberte l’été dernier. Et si l’ignare non-médeciné qui sommeille en vous a l’impudence de s’insurger contre les 37 scanners crâniens aussitôt prescrits par l’étudiant en médecine, il est condamné à mourir dans d’atroces souffrances dans un délai particulièrement court, à grand renfort de mots barbares que je soupçonne l’étudiant d’avoir inventés pour l’occasion : ainsi, un rhume en apparence inoffensif cache en réalité le virus cucurbitacis tirfes qui passe le lance-flammes dans les voies respiratoires. On comprend aisément que l’étudiant en médecine n’œuvre pas pour la paix dans les ménages.

Non, en toute honnêteté, je ne recommande pas la cohabitation permanente avec l’étudiant en médecine, sous risque de développer une hypocondrie galopante, à peu près la seule maladie incurable à ce jour. Et puis, perso, je me suis toujours posée des questions sur l’idée de vivre avec un type quand même super bien placé pour commettre le crime parfait, et qui dispose de toutes les connaissances nécessaires pour faire disparaître le corps. La moitié des assassins dans les  romans policiers sont des médecins, ferais-je remarquer à mes lecteurs encore sceptiques. Vous ne croyez pas réellement que ce soit un hasard si le Docteur du Meurtre de Roger Ackroyd, d’Agatha Christie, cultive des cucurbitacées dans son jardin ?  Bande de petits naïfs.

Illustration (c) Mam'zelle Pompom! Tous Droits Réservés.

Comments

[Mam'zelle Pompo]

Il préféra la faire sur les vertues (d'après lui) mal connues de la batte de base-ball... A notre grand regret et aux dépens de nos crânes!

[Céher]

ce cousin devait faire sa thèse de fin d'études sur la mouche tsé-tsé.

[Mam'zelle Pompo]

J'ai un cousin qui, il fût un temps, endossa dans la famille de rôle d'étudiant en médecine. Mais il eut la sage idée de se spécialiser en anesthésie. Ce qui fait qu'au lieu de nous trouver les maux les plus étranges, il préférait s'entraîner à nous endormir. C'était un cousin très reposant!