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La vie dans mon quartier de lune
24 janvier 2012

La variabilité incompressible


Certaines lois naturelles ne s’apprennent pas à l’école, chose fort regrettable parce qu’elles n’en existent pas moins. Il en va ainsi de la loi de la variabilité incompressible, qui se vérifie chaque jour, et qui n’attise probablement pas l’intérêt de la communauté scientifique à cause de sa dimension ésotérique. Aucune explication n’est à ce jour parvenue à rationnaliser la variabilité incompressible. Et pourtant, elle tourne !


Petite tentative de définition pour ceux d’entre vous qui ne seraient pas familiers de cette loi qui régit pourtant votre quotidien. La variabilité incompressible correspond à cet écart mesuré entre les  conséquences post-opératoires observables dans le cadre de deux expériences concomitantes basées sur des axiomes ou des objectivations initialement identiques. Pour la frange normale de mon lectorat : on donne les mêmes éléments à deux personnes différentes, et on voit ce qu’elles en font chacune de leur côté.


Soit une bouche de métro recouverte d’une grille, et des talons hauts. Marilyn Monroe en fait l’image la plus glamour et la plus érotique qui ait jamais existé. Avec les mêmes éléments, moi je me retrouve le talon aiguille coincé dans la grille de la bouche de métro, à devoir me déchausser pour pouvoir décoincer ma godasse en mode manuel. Le fossé qui sépare Marilyn de mon grand moment de solitude,  à partir des mêmes éléments initiaux, s’appelle la variabilité incompressible, connue dans d’autres cultures sous le nom de hasard, de loi de Murphy, de pourquoi ça merde pour moi alors que ça réussit chez les autres. Cette variabilité incompressible explique pourquoi, quand le prof de chimie exécute une magnifique expérience avec des tas d’ingrédients soigneusement mesurés et obtient un liquide d’un bleu profond qui vous donne envie de réserver deux semaines de vacances immédiates à Bora-Bora, le pauvre élève qui reproduit l’expérience à la lettre en suivant scrupuleusement les indications de son professeur se retrouve avec un machin visqueux d’une couleur indéfinissable, à mi-chemin entre le schtroumpf écrabouillé et le sac poubelle pré-digéré. Bel exemple de variabilité incompressible. Pourquoi ça marche, pourquoi ça marche pas, alors que prof et élève ont fait exactement les mêmes gestes, mystère. On nage en pleine variabilité incompressible, de variabilité, « des fois oui des fois non », et incompressible, « y a rien à faire, c’est hors contrôle». Même le Baygon ne vient pas à bout de cette marge de hasard, si infime soit-elle, qui peut changer la face du monde. Non, je vous prie, ce ne sont pas tout de suite les grands mots, la variabilité incompressible peut tout à fait changer la face du monde, parfaitement. Pourquoi croyez-vous que le gars qui a tenté de tuer Hitler dans un attentat minutieusement préparé par des professionnels  a raté son coup parce que le souffle de la bombe a dévié d’un cheveu, alors que le tireur bigleux dans la Grande Vadrouille abat les avions ennemis du premier coup ? La variabilité incompressible, vous dis-je.


Autre exemple de variabilité incompressible puisé dans un contexte un peu moins guerrier : vous avez 13 ans, la mode des tamagotchis bat son plein, ces ersatz de chiens virtuels qu’il faut sortir faire leur crotte tous les quarts d’heure sinon ils crèvent. Votre petite cousine vient d’en recevoir un pour Noël (pas vous, vu qu’il vous a fallu à peine dix minutes pour casser la fermeture éclair de la belle trousse que votre papa vous a donnée (celle qu’il avait su conserver intacte depuis son entrée en sixième trente ans auparavant), vos parents ont eu peur d'être poursuivis par la SPA virtuelle), elle l’arbore avec fierté comme si son premier Jojo lapin en peluche venait de ressusciter. Elle semble bien partie pour suivre le modèle de votre copine Christine, à l’école, dont le tamagotchi bénéficie d’une espérance de vie exceptionnelle depuis qu’elle s’en trouve l’heureuse propriétaire. Deux semaines plus tard, réunion au sommet avec la cousine pour discuter de l’avenir et des perspectives tamagotchiennes : sa bestiole virtuelle a crevé, malgré 3 repas protéinés par jour et des draps propres une fois par semaine.  Cousine vs. Christine, encore une belle leçon de variabilité incompressible, qui peut se résumer par l’expression « c’est comme ça », ou bien « c’est la vie », en l’occurrence la mort (du tamagotchi).


Alors que je mettais déjà en mots cette note de blog dans ma tête ce matin, tout en remuant mes papiers, je me suis fait la réflexion, en tombant sur un courrier des impôts me réclamant une somme que je ne leur dois pas, que la variabilité incompressible venait encore de frapper : pourquoi le contrôleur public s’acharne-t-il sur mon dossier à moi qui est par ailleurs en règle, et semble se désintéresser totalement de celui de Liliane Bettencourt, qui regorge pourtant de promesses autrement plus alléchantes ? « C’est comme ça ». Mouais.

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L'amour ça ne s'explique pas!
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