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La vie dans mon quartier de lune
18 novembre 2011

L'inné et l'acquis

Je lisais un article dans le Monde ce soir sur la grande question qui fait tourner l’univers : elle ressemble à son papa ou à sa maman? Plus exactement, « la vieille question de l’inné et de l’acquis attend encore une réponse scientifique claire ». Comme je suis trop menue pour avoir le droit de donner mon sang, je me suis dit que j’allais aider la science d’une autre façon, en tentant de répondre clairement à la question scientifique susmentionnée. Et en plus, grâce à moi, le journaliste du Monde pourra faire l’économie de la lecture de l’« étude théorique de la psychologie comportementale et son impact sur la culture de la brosse à dents dans la Thaïlande des années 30 » par le Professeur Jean-Pierre Schlumberger, donc tout le monde est content.

De façon évidente, certaines caractéristiques comportementales et physiologiques sont innées. Théorie vérifiable très simplement, en brandissant un nouveau-né sous le nez de tous ses aïeuls encore vivants, et en faisant le tri dans les commentaires « c’est le portrait de Jean-Louis ! », « il a les mêmes yeux que sa maman ! », « ah oui mais son front, par contre, c’est clairement la bosse des maths de son père ! » (On aura donc compris, par cette dernière remarque, que le nouveau-né en question ne peut absolument pas être moi, ne présentant ni de bosse, ni de maths.) Après s’être farci des ressemblances approximatives de ce genre pendant plusieurs années, difficile de ne pas tomber dans la facilité de la ressemblance génétique. Cependant, l’article du Monde va plus loin (le journaliste a peut-être bien lu le Professeur Schlumberger, en fin de compte) et note que « les interactions entre gènes et environnement sont trop complexes et les résultats scientifiques trop partiels pour en tirer des conclusions certaines ». Je vous demande pardon, mais pas du tout : mes gènes se perdent tout autant dans un environnement commercial que ceux de ma mère et ceux de  ma sœur, surtout en période de soldes. Le résultat n’est pas partiel du tout, la carte bancaire a flambé jusqu’au bout, je ne vois pas où le journaliste arrive à voir de la partialité, il a du boire avant d’écrire son article, c’est pas possible, ou alors il a eu son diplôme de sciences de la gêne dans une pochette-surprise, et dans ce cas-là pourquoi moi je suis tombée sur des jouets miniatures merdiques dans les pochettes-surprise alors que j’aurais pu piocher de quoi m’éviter 21 ans d’études superflues, c’est toujours les mêmes qui se font avoir. Puisque nous sommes dans l’inné, je poursuis avec cette petite remarque anodine de l’article : « savoir retrouver son chemin dans l’espace est une faculté en partie génétique. » Alors là, j’ai envie de dire, ça dépend. Je vais prendre l’exemple génétique que je connais encore le mieux, c’est-à-dire le mien. Si l’on se place du point de vue de la génétique maternelle, on remarquera une certaine cohérence entre la faculté maternelle de se perdre dans sa ville natale, et ma faculté à moi de tourner à la dernière minute dans une petite ruelle de 5 mètres parce qu’elle me plaisait et qui se traduit par un détour de 25 minutes alors que je connaissais le chemin par cœur initialement. A l’inverse, du point de vue de la génétique paternelle, qui frime parce qu’elle est capable de vous dire en fonction de la position du soleil l’heure qu’il est sur Saturne, et qui vous parle en latitude et en longitude qu’on a  l’impression qu’il fait GPS pour arrondir ses fins de mois celui-là, de ce point de vue-là effectivement, les choses ne se sont pas déroulées tout à fait comme prévu en matière d’inné. (Je ne veux pas critiquer la qualité des gènes qui m’ont été si généreusement transmis, mais je trouve un peu contestable le fait que le gène responsable du bon repérage dans l’espace se perde en cours de route dans le processus de transmission génétique. Ça fait pas sérieux. C’est quand même censé être son domaine de prédilection.) Passons.

Espérant avoir contribué à éclaircir largement la question de l’inné, je m’attaque maintenant à l’acquis. L’article énonce que la souris chez qui on supprime un certain gène (faut vraiment avoir que ça à foutre) perd toute mémoire sociale, « ne reconnaissant plus les membres de sa propre famille ni les individus rencontrés auparavant ». Outre le fait que ça lui fera moins de cadeaux à acheter pour Noël, il n’y a pas de petites économies, je tiens à souligner que ce défaut de reconnaissance n’est absolument pas spécifique à la souris. Combien de fois ai-je snobé involontairement des individus rencontrés auparavant simplement parce que je ne portais pas mes lunettes, et que j’évite les embrassades effusives en pleine rue si je ne suis pas absolument certaine que l’individu effusé est un individu de mon cercle amical, ou de ma proche famille, puisqu’on en est là, d’après Le Monde ? Voilà bien un réflexe acquis, à cause d’un bien désacquis (mes lunettes). Les scientifiques tourneboulés pousseront le vice jusqu’à dire que le fait de ne pas avoir suffisamment reconnu mes lunettes pour me permettre de les chausser vient étayer leur théorie. C’est possible. Mais là n’est pas mon propos. L’environnement joue un rôle non négligeable dans le développement de caractéristiques comportementales. Très tôt, il soumet l’enfant à des défis qui encourageront la personnalité à évoluer dans un sens ou dans un autre. Ainsi, après s’être entendu dire plusieurs fois par sa grande sœur « mais arrête de te coiffer comme moi, espèce de copieuuuuseuuu ! » pour, en définitive, se faire tirer les cheveux, l’enfant comprend qu’il est temps, pour sa propre survie et pour son capital capillaire, de développer sa propre franchise en matière de coiffure. Son indépendance, motivée en partie par l’instinct de survie, symbolise clairement un code comportemental acquis, qui n’était absolument pas présent dans son génotype à sa naissance (la preuve : un bébé n’a pas de cheveux.)

Je rejoins finalement l’analyse du journaliste du Monde qui indique que « des  traits de personnalité que l’on considère comme appris sont en partie définis par les gènes ». Je ne sais pas si le journaliste a conscience de lever un secret défense, et de fournir aux ados une arme contre laquelle les parents resteront impuissants sur 5 générations : si j’avais lu cet article il y a 20 ans, je ne me serais pas privée de lancer à mes parents, à chaque fois qu’ils m’engueulaient : « et la faute à qui, hein ? Si mes gènes sont défectueux ! » Article ou pas article, je crois bien que j’ai du leur lancer quand même.

 

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