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La vie dans mon quartier de lune
30 avril 2012

L'expérience

Expérience (c) HolsterL’expérience nous enseigne des leçons d’une richesse insoupçonnée. Je m’en faisais la réflexion dans le train qui me ramenait à Paris cet après-midi en surveillant du coin de l’œil l’énorme carton qu’un non moins énorme monsieur avait perché périlleusement juste au-dessus de ma tête, avant d’aller lui-même s’asseoir prudemment cinq sièges plus loin. De toute évidence, à l’aller, ce brave homme avait du percher le carton au-dessus de sa tête à lui, et après un coup de frein un peu brusque et six points de suture, n’a pas souhaité renouveler l’opération. Il a donc fort habilement tiré l’enseignement suivant de cette expérience : mieux vaut que le carton tombe sur quelqu’un d’autre que sur lui. Ce que l’expérience apprendra à ce toujours très brave monsieur lors de son trajet de retour à cinq sièges de moi, c’est que mieux vaut pour son matricule que le carton ne tombe pas du tout, parce que se ramasser 20kg sur la tête rend les gens curieusement agressifs, même les quelqu’uns d’autres. Je pense avoir bien mis en relief ici la valeur de l’expérience. Au moins autant que la bosse sur le haut de mon crâne en forme de carton (la bosse, pas mon crâne).

 

Gambergeant allègrement sur cette notion, un œil toujours fixé sur le carton susmentionné, j’en ai conclu que ce genre d’expériences était somme toute bien commode pour éviter au quidam ignare de commettre la même erreur deux fois de suite de façon tout à fait regrettable. Permets-moi, ami lecteur, d’illustrer mon propos par un exemple haut en couleurs dans tous les sens du terme : mon entourage a cette détestable manie de ricaner à mes dépens simplement parce que j’ai développé une sorte de phobie des branches d’arbre à 180 degrés au-dessus de ma tête, des feux rouges un peu trop longs sous les platanes lorsque je traverse sur les passages cloutés, et des réverbères un peu trop fleuris. Le jour où il se sera fait décorer le haut du crâne par un pigeon audacieux, mon entourage cessera de ricaner et viendra me rejoindre dans le camp de l’expérience amère. Notons comme la puissance de frappe - si je puis dire après ce sinistre épisode pigeonnaire – de l’expérience est sournoise et redoutable.

Notons également comme elle ne se limite pas au vécu personnel de chacun : tout individu un tant soit peu ouvert et qui ne voterait par exemple pas pour Nicolas Sarkozy au second tour saura puiser la sagesse dans les expériences de son prochain, sans avoir besoin de faire tamponner son propre passeport à expériences plus densément qu’un passe d’accès à la Zone 51 aux Etats-Unis (base militaire américaine tellement secrète que Wikipedia lui consacre un article entier). Bref. Installée devant ma télé, je me mets en mode oisif, et je tombe sur cet épisode d’une célèbre sitcom, dans lequel une demoiselle d’honneur oublie funestement de vérifier sa tenue en sortant des toilettes et marche jusqu’à l’autel avec l’arrière de sa robe coincée dans sa culotte. Suite à cet épisode, mes circuits ont imprimé la vérification ultime quand je  porte une jupe : je me transforme en toupie volante avant de sortir des toilettes, avec visite de ma tenue vestimentaire à 360 degrés. Bien sûr, on pourrait argumenter que l’expérience d’autrui, à plus forte raison fictive, n’a servi qu’à me rendre incurablement paranoïaque. Personnellement, je préfère y lire une sagesse ancestrale sur la préservation de ma dignité en toutes circonstances.

Pour finir, il convient d’effectuer une distinction entre expérience et fatalisme : la dernière fois que Machin Chose est sorti, il a oublié de prendre son parapluie et s’est ramassé la flotte. Mon lecteur avisé sourit de toutes ses oreilles, je le vois d’ici, et se dit, fort du post qu’il vient de lire, « la prochaine fois, Machin Chose prendra son parapluie quand il verra de gros nuages noirs en sortant ! » Erreur, lecteur avisé, tu viens de tomber dans le panneau. Ceci était une situation piège. Sache que nous sommes ici en présence non pas d’expérience, mais d’une vulgaire poisse : il pleuvra toujours le jour où Machin Chose oubliera son parapluie. On peut même aller jusqu’à affirmer qu’il pleuvra précisément parce que Machin Chose a oublié son parapluie. C’est bien d’écouter la sagesse des Anciens, mais il ne faut pas non plus tomber dans la crédulité, allons, allons.

 

Photo (c) Holster

 

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