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La vie dans mon quartier de lune
4 novembre 2015

Coworking

Copinette et moi, on a inventé le concept du co-working à distance.

Bien qu'ayant coché la case "freelance" avec aplomb sur notre déclaration à l'URSSAF, nous avons conservé le mode de fonctionnement grégaire du travailleur en open space. Du coup, on grégarise à deux et à distance. Les sujets de conversation sont typiques d'une conversation du lundi matin autour de la machine à café et en ce sens, se caractérisent par leur absence totale de rapport avec le travail. Et quand ils en ont un, il est tellement ténu qu'il faut faire la gymnastique mentale du scoubidou contorsionniste pour l'apercevoir. 

Entre deux e-mails sur la photo du Colonel Moutarde dans la bibliothèque avec la clef anglaise, je détecte immédiatement la présence du nom chantant de Copinette à forte consonance hispanique dans ma boîte électronique, et pas besoin de jouer à plouf-plouf pendant trois heures pour décider lequel des trois messages je vais ouvrir en premier. Copineta me parle innocemment de me "boire la gueule" pendant qu'elle sirotera tranquillement un jus d'orange devant la librairie québécoise (Copineta a fomenté le sombre et machiavélique plan de me marier avec le type de la librarie québécoise, je sais pas pourquoi, je la soupçonne d'en pincer pour lui mais d'opérer un transfert sur moi, ayant déjà ce qui lui faut en matière masculine à la maison) à 21h un soir de février. Il faut savoir que Copineta nourrit une obsession assez inquiétante pour le Canada depuis de longs mois, et qu'elle est persuadée que me marier avec le roi du Québec lui ouvrira des portes professionnelles, et peu importe qu'il n'y ait pas de roi au Québec, finalement, elle n'est pas du genre à se laisser décourager pour si peu.

Entre deux coins de sourire qui remontent ma bouche malgré moi de chaque coté, je prends mon air sérieux et je retourne à mes deux e-mails professionnels en attente. L'un d'eux est en espagnol, langue que je ne parle absolument pas bien que j'aie prétendu le contraire sur mon CV, et je vois bien que mon correspondant a l'intention de concurrencer la Bible au niveau volubilité des pages parce qu'il m'en tartine 30 lignes, dans l'espagnol le plus argentin et le plus incompréhensible qui soit pour un non-initié, c'est-à-dire moi. En plus, pour la Bible, il part avec un point d'avance, parce qu'il s'appelle Jesus.

Je suis fort confite à scruter mon écran d'un air benêt en essayant de faire semblant de comprendre le message et en me sentant importante - je bosse dans les médias, je suis hyper-internationale et je reçois des mails en trois langues différentes au quotidien, bref, je deviens tout ce qui m'a horripilée en feuilletant le dernier "Stylist" qu'une nana hyperactive m'a fichu dans les mains à la sortie du métro la semaine dernière. En apparence, parce qu'en réalité, je ne parle pas plus espagnol qu'il y a dix minutes.

Et pourquoi il me parle en espagnol, lui, aussi? Je relis mon message initial qui a déclenché cette diarrhée verbale, et suis fort impressionnée de tomber sur un espagnol fluide et littéraire, avant de me rappeler que c'était Copineta, déjà, qui l'avait traduit en espagnol pour moi à l'époque. Crotte. Ca m'apprendra à vouloir ébaubir, maintenant faut assurer le service après-vente. J'interromps Copineta en plein milieu d'un trip montréalo-siropd'érablé, et je tapote SOS détresse-traduction. Elle me peaufine un truc magnifique qu'on dirait du vrai espagnol parlé dans les livres en deux minutes, je regarde quand même ce que Google Translate m'aurait proposé, je hoche la tête, "Pas mieux!", et je vote pour la version de Copinette, qui me demande en PS si j'ai répondu à "mes mecs". Je lui demande de quels mecs elle parle sachant qu'aucun mec digne de ce nom n'a traversé ma vie depuis la dernière éclipse solaire totale sous la Renaissance, et nous voilà parties dans un décortiquage en règle de la psyché masculine.

Consultant l'heure dans un moment d'égarement, l'une de nous constate qu'il est déjà 16h et nous décidons de nous remettre au travail. Forte du mens sana in corporate sano, comprend qui peut,  j'entreprends de faire du ménage dans ma boîte électronique et ne peux m'empêcher de noter l'omniprésence insolente du nom à forte consonance hispanique parmi mes interlocuteurs virtuels. J'envoie un message, un tout petit message, à Copineta pour lui annoncer que nous venons d'inventer le principe du coworking à distance. 'C'est plutôt du dis-working, notre truc, me répond-elle avec la clairvoyance qui la caractérise, avant de me faire suivre un mail annonçant une vente de végétaux par la Mairie de Paris le weekend prochain.

La supériorité du coworking à distance sur le fait d'être assis à côté de sa copine à l'école primaire, c'est que la maîtresse ne peut pas nous séparer pour qu'on arrête de bavarder.

 

 

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Commentaires
T
Ah, au fait, il est comment ce roi des forêts d'érables ? ...;)
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C
Oh moi si!!! Des vacances à la montagne, voilà ce qu'il faut que je suggère à Copinette! C'est le but du sanatorium, non?! Tous les grands écrivains ont fait au moins un séjour en sanatorium, c'est une espèce de baptême du feu, mais à la neige, plutôt.
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A
"mens sana in corporate sano"<br /> <br /> Tout le monde connait voyons !<br /> <br /> <br /> <br /> "Les mecs dans les sanas se comportent comme des salauds"<br /> <br /> (mais je vois pas ce que viennent faire les sanatoriums dans ton texte ....)
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