Départ en vacances
Le principe d'une valise, c'est qu'elle ferme à peu près à l'aller, mais pas au retour. La mienne défie les lois de la physique: elle ne ferme jamais. A l'ère de la Loi Macron, ma valise est une dissidente.
Une voix suave, celle de ma raison, me souffle de la vider un peu, par exemple des choses superflues comme le maillot de bain. L'Ecosse, me susurre cette voix suave que j'ai envie d'envoyer valser sur le lustre de la salle à manger, c'est plutôt calme, question maillots de bain. Jamais de la vie, crie mon comité anti-suavité intérieur, le 14 avril au soir, nous logerons dans un hôtel avec spa, il ne sera pas dit que j'ai passé trois plombes à m' épiler hier pour rester au bord de la piscine, non mais sans blague. Et puis j'ai regardé la météo, soleil prévu pour pratiquement tout le séjour sur la côte, et nous, de la côte, on va faire que ça, c'est des coups à se baigner par inadvertance. Copinou tempère mes élans au téléphone: " Tu as vu le '5' à côté de ton soleil, sur la carte? Tu sais ce qu'il signifie?" Parfaitement. Il signifie que je dois rappeler à Copinette d'embarquer un écran solaire puissance 5 pour éviter les coups de soleil.
Je suis assise sur ma valise en train de décider si j'éjecte la carte routière ou les 40 kg de cookies, quand le téléphone sonne. Ma comptable me demande si je peux lui envoyer les trois mois de comptabilité en retard que je lui dois d'ici demain matin dernier carat, je ris en pensant qu'elle a de l'humour, ma compt....et puis je m'arrête de rire en réalisant que s'il y a bien une chose que ma comptable n'a pas, c'est de l'humour. Par conséquent, elle est sérieuse, et c'est le moment de prétendre qu'il y a de la friture sur la ligne avant de raccrocher et de débrancher le téléphone. Si elle croit que je la paye pour venir me saper le moral avec ses histoires de TVA la veille de mes vacances, elle se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Elle n'a qu'à faire des statistiques sur la probabilité que je disparaisse dans une fermette des Highlands sans laisser d'adresse fiscale, ça l'occupera. Y a des tas d'enfants qui meurent de faim en Afrique, et elle voudrait me faire croire que la santé financière de la France repose toute entière sur mes 227 euros de TVA. Eh bien non, je ne peux pas garantir ces 227 euros avant mon voyage, voilà. Surtout que c'est le prix d'un kilt.
Pour ne plus entendre les protestations de ma valise, je file prendre le soleil sur le balcon. Toutes ces émotions négatives, ça m'épuise, j'ai besoin d'une pause. C'est alors que je l'aperçois. Saloperie de vermine. A mi-chemin entre la tige et les pétales de ma jolie tulipe rose tendre, une saleté de puceron me dévisage d'un air insolent en sirotant son truc vert. Je l'ai envoyé siroter son truc vert devant le Saint-Père en moins de temps qu'il n'en faut pour dire Hogmany en écossais, et j'ai scruté mes p'tites cailles végétales les unes après les autres. La nécessité de prévenir la patrouille d'arrosage m'est apparue. J'ai donc appelé l'autorité maternelle en charge des soins végétaux, avec des directives sans équivoque: vous voyez, vous écrabouillez. Vous avez le permis de tuer, agent 007. Pas de quartier, le puceron se massacre, le puceron se tue, le puceron s'anéantit. Je passerai un accord avec une colonie de coccinelles à mon retour. En attendant, feu à volonté, et rapport circonstancié avec photos comme preuves à charge tous les 3 jours. Par téléphone, j'entends l'autorité maternelle lever les yeux au ciel. Mais elle promet.
Le coeur léger, je retourne lézarder en rêvant de lochs écossais et de paysages fantômatiques. Et puis mon téléphone bippe, c'est Copinette: "C'est une catastrophe!! J'arrive pas à fermer ma valise!!"