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La vie dans mon quartier de lune
1 mars 2015

Jogging

Dans un moment d'égarement, j'ai accepté d'aller courir le dimanche matin avec une amie.

Après plusieurs semaines de faux départs (trop de pluie, trop de microbes, trop de chat, trop sommeil, trop lourde la piste, trop lourds les sangliers), nous avons décidé, dans un sursaut d'orgueil, que "c'était dimanche ou jamais". Vu les trombes d'eau qu'il tombait depuis une semaine, nous pensions sincèrement que ce serait jamais. Il y a eu une demi-journée de soleil en un mois, et c'était ce dimanche matin-là.

La mort dans l'âme, nous nous donnons rendez-vous au Parc de Bercy, où je retrouve Copinette sur le siège avant de sa voiture. Je m'abstiens de commenter l'intérêt de venir faire du sport en voiture, et nous comparons notre accoutrement respectif. Elle, fraîche comme un gardon, équipée comme Carl Lewis. Moi, à Montparnasse à 18h45 la veille en quête d'un déguisement approprié alors que le Dieu de la godasse de sport était nettement contre moi.

Avant de nous lancer, je lui martèle l'interdiction formelle d'appeler les pompiers en cas de chute, je ne suis pas épilée. Je lui indique clairement le périmètre d'intervention légale, "tu peux les appeler si je me blesse jusque-là, au-delà, tu me laisses crever!". Copinette me regarde dubitative, mais s'abstient de commenter et c'est aussi bien parce que j'aurais quand même fini par lui sortir mon commentaire sur le fait de venir faire du sport en voiture.

Les minutes qui s'ensuivent sont d'une cruauté insoutenable. Pour commencer, il ne devait y en avoir que quinze, de minutes, et puis il s'est trouvé qu'à l'arrivée, elles étaient une vingtaine. C'était Copinette qui était en charge du chronométrage, et chacun sait que le pouvoir corrompt.

Et puisque nous en sommes là, il ne me paraît pas superflu de remettre quelques pendules à l'heure: se lever à 6h du matin pour faire un bon jogging avant de partir au travail ne donne pas la patate pour la journée. Non. Ca, c'est de la folie furieuse. La seule conséquence couramment admise chez les gens sains d'esprit, c'est-à-dire moi, c'est qu'au lieu d'avoir mal partout comme dans le cas d'un jogging en milieu de matinée, on a mal partout en baillant aux corneilles. A proscrire, donc.

De toute façon, il faut s'enfoncer dans le crâne qu'il n'y a pas d'échappatoire à la souffrance dans le jogging. Après les courbatures inimaginables de la semaine dernière, je m'avance prudemment vers le Bois de Vincennes ce matin en me méthodecouéisant: "c'est normal ma fille, ça faisait douze ans que tu n'avais plus couru, la première fois se devait d'être difficile, c'est un challenge à toi-même pour te dépasser et devenir encore plus meilleure", avant de reprendre le contrôle en me tançant "Arrête de te parler comme un cycliste interviewé par France 2, tu vas finir dopée jusqu'aux oreilles!" J'avais passé la semaine à choisir l'option 7 étages à pied par l'escalier au lieu de prendre l'ascenseur à chaque fois que je sortais ou rentrais chez moi cette semaine, j'étais persuadée de pouvoir courir un marathon.

La première courbature est apparue à la 4ème minute. Copinette a levé un sourcil: "Déjà? C'est pas le lendemain, les courbatures, plutôt?" Je l'ai fusillée du regard, et ai failli m'encastrer dans un tronc d'arbre. Je ne sais pas qui a eu l'idée de planter des arbres dans un parc, mais il ne faisait de toute évidence pas de jogging. Cette fois, j'ai pris la précaution d'assurer le chronométrage: au bout de 19 minutes, je m'écroule sur un paon qui passait par là en criant "Fini!" Je n'avouerai jamais à Copinette que j'ai rogné la dernière minute; ce qu'elle ignore ne peut pas lui faire de mal.

Mes cotes, en revanche, sont plus difficiles à ignorer. Je me traîne jusqu'au métro pour rentrer, en dictant mes dernières volontés à ma soeur via texto. Je feins de ne pas saisir ses sarcasmes mettant en doute le fait que je puisse être levée, lavée, joggingée un samedi matin à dix heures, d'une part parce que l'heure est grave, d'autre part parce que taper une répartie cinglante sur téléphone constituerait une dépense d'énergie que je ne peux pas me permettre. Je reste aware façon Jean-Claude Van Damme, et je me focus sur la station de métro dans laquelle je m'engouffre. Et là, c'est le drame. Un escalier. Une douleur sourde m'envahit, et je descends l'escalier avec la même raideur qu'Hibernatus qui n'aurait pas fini de décongeler. Je prie le ciel pour qu'une âme apitoyée par mon teint cadavérique ne me cède pas son strapontin, incapable que je suis de plier mon corps à un angle improbable. La douleur se propage, et j'effectue une rapide vérification interne au terme de laquelle je suis en mesure d'affirmer qu'il n'existe plus aucune partie de mon enveloppe terrestre qui ne me fasse pas souffrir de façon abominable et inhumaine. Je pense qu'après le jogging, mes muscles sont en train de repousser, comme dans Harry Potter. Charitable, ma soeur me répond: "Ou alors ils sont en train de se décomposer", ce qui est parfaitement absurde: je ne crois pas avoir noté la présence de muscles dans quelqu'endroit de mon corps que ce soit avant ce matin.

Et de toute la raideur de mes membres endoloris, je me dresse (c'est le seul mouvement que je puisse faire, de toute façon) de fierté dans la chaleur réconfortante de ma douche, parce que j'ai atteint l'objectif que je m'étais fixé: un tour de lac sans décéder.

Bien sûr, toute cette grand-messe me rappelle qu'alors que nous terminions péniblement ce fameux tour, deux nanas nous dépassent à grandes foulées en discutant sans un brin d'essoufllement dans la voix: "Ouais alors, 'fin tu vois, c'était pas hyper pratique, quoi, elle courait à peine deux tours de lac, et elle en pouvait déjà plus!" Et l'autre de s'esclaffer. Pétasses.

 

 

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Commentaires
B
ah mais c'est pour ça !!! il faut que tu cours au moins 21 minutes... je te jure... l'effet "positif" (dit celle qui s'auto inflige des séances de footing "relativement longues") vient à la vingtéunième minute, pas avant :D
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C
C'est crétin, un être humain, pas vrai? Je pense que mes 20 minutes de jogging par semaine ont pour vocation de me faire aimer la vie déjogginisée les 6 J 23h 40 minutes restantes.
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L
et après ça, il faudrait qu'on aille courir ???
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C
Rien ne vaut la sagesse orientale. Je suis donc obligée de m'exécuter et d'arrêter le jogging toutes affaires cessantes pour suivre tes conseils (MERCI! Un tour de plus et je crevais sur place).
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T
Tu m'as bien fait rire Ceher ! Laisse tous ces fous se ruiner la santé à essayer de rivaliser avec "Haile Gebreselassie" ;)<br /> <br /> Toi , contente-toi de faire un petit tour de piste ou de parc, histoire de t'échauffer les muscles.<br /> <br /> Ensuite fais des étirements et des mouvements d'assouplissements qui te garderont le teint frais, le souffle régulier, la jambe fuselée et le panorama callipyge :lol:
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