Mon Homme au crayon à papier
Mauvaise semaine, mauvais casting, mauvais karma.
Au milieu de cette semaine grise et glauque, j'ai ouvert ma boîte aux lettres comme j'aurais ouvert une porte sur un autre monde.
Des gratte-ciels de papier l'entourent mais je ne vois que lui. Un paquet de filtres à cigarettes fin et coloré, qui illumine l'intérieur de la boîte, comme Il sait illuminer mes yeux. Je n'ai même pas besoin d'allumer la lumière du hall pour éclairer les recoins obscurs de ma boîte aux lettres, je sais instinctivement qu'il est ce que j'étais venue chercher. Je ne savais pas que je l'attendais jusqu'à ce que je le reconnaisse, à cette minute d'évidence dans ma boîte à lettres, ma boîte à sentiments.
Je prends délicatement l'étui dans mes mains et j'enferme le reste du monde derrière la porte de ma boîte aux lettres.Ce sera juste lui et moi dans l'ascenseur.
Le petit carré de carton est fin, une édition limitée d'une marque de filtres à clopes anglaise, pop et délicate. Un cygne immense représente la marque. Je sais déjà que cette boîte n'est pas un hasard, que je vais le retrouver sur chaque centimètre de carton en le tournant entre mes doigts.
A l'intérieur, mes deux bagues, enroulées dans une petite feuille de papier dont je connais si bien le carnet d'origine, noir et sobre et ses croquis de minuit. Un mot, des lettres autour de mes bagues. A l'ère des emails et des textos, c'est la première fois que je vois son écriture, élégante et régulière. Des mots doux qui me caressent.
En un paquet de cigarettes et une feuille de papier, il a touché mon coeur aussi sûrement que s'il avait eu un arc et des flèches.
Je souris parce que ce geste, ce papier, ce scénario lui ressemblent, dessinent son portrait en traits nets et précis. Mon Satange est contenu dans un petit morceau de carton coloré et dans ses habitants.
Un paquet de cigarettes, mais pas n'importe lequel, une édition limitée et jolie, fine et élégante. Même quand il fait quelque chose d'aussi vulgaire que fumer, mon cosmonaute le fait avec panache. Extra-slim, délicat, je reconnais mon homme sur toutes les lignes du paquet, et je lis entre elles le message qu'il m'envoie.
Roulée en un cylindre de papier qui n'a pas été plié, sans angle et toute en rondeurs, la feuille me crie son nom, celui de l'homme tout en douceur, sans arête et attentif à ne pas blesser. Le mot au crayon à papier pour l'éphémère, mon homme qui s'efface et qui disparaît du jour au lendemain, mon forfait sans engagement, comme j'aurais été surprise que tu m'écrives à l'encre indélébile!
Et puis le paradoxe que je retrouve dans chaque repli de la couverture qui tisse notre histoire et sous laquelle on se glisse à deux la nuit: alors que le crayon à papier signe un éphémère qui ne s'ancre pas, un coeur minuscule mais rouge est emprisonné dans un morceau de scotch près de sa signature. Immobilisé sous un voile transparent qui m'appartient désormais, un tout petit coeur rouge a été placé là presque par mégarde si ce n'était le morceau de scotch qui le fixe indéfiniment sur cette feuille de papier. La présence de ce coeur scotché à côté du crayon à papier qui s'efface déjà me fait sourire et me touche profondément. Je sais déjà que ce mot-là et cet étui ne me quitteront pas de sitôt.
Tu m'as fait fondre au détour d'un paquet de cigarettes. Tu ne trouves pas toujours les mots, mais tes rébus sont magnifiques.
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