Chasse au trésor

5 septembre 2013

Depuis que je me suis découvert des racines bretonnes, j’ai décidé qu’on était pirates de mère en fille, on a ça dans le sang. (J’ai plus de doutes sur ma mère qui a peur de l’eau comme de la peste, mais ça peut sauter une génération, comme les jumeaux).

J’essaye d’entraîner ladite famille dans une fabuleuse chasse au trésor sur tous les océans du globe, avec plus ou moins de bonheur.

Aujourd’hui, je reçois un e-mail de ma sœur, qui a un humour comme on n’en fait plus : « un de moins… » suivi d’un lien qui m’entraîne tout droit vers le lieu du crime, un article annonçant que la famille Schmitt en Floride a découvert un galion espagnol lors d’une expédition de plongée sous-marine, grand bien lui fasse. Moi, le coup de la plongée fortuite, je n’y crois qu’à moitié. "On va faire de la plongée, les gars, nan rien de bien méchant, un piranha, deux-trois alligators géants, un poisson rouge tout au plus!" et pof, ils ramènent un galion espagnol. Moi je dis, ces gens-là n'ont pas respecté la charte éthique des chercheurs de trésor. C'est comme les montagnards, on a une espèce de code d'honneur, et ça, les Schmitt, ça leur passe au-dessus. (Je dis on, parce que je me considère un peu comme un membre de cette grande famille de chercheurs de trésors façon Robinson, même si je n’ai personnellement jamais rien trouvé. Faudrait peut-être que je commence à chercher, d’ailleurs, ça aide.) Bref, les Schmitt n’ont pas joué fair-play. Ils feraient mieux de s’en tenir aux cuisines, ceux-là, aussi.

Ma sœur m’envoie donc ce fameux article, avec, décelé-je, comme une pointe de ‘j’me fiche de toi’. De toute façon j’ai toujours senti un certain scepticisme de sa part au sujet de mes chasses au trésor familiales, son œil ne semble s’allumer que lorsque je lui promets formellement que les deux éléphants en jade et or massif qui ornaient le trône du roi de Siâm lui reviendront de plein droit quand on les aura récupérés par-delà 75 000 mètres de fond (parce que c’est ma théorie : ils sont tombés dans une faille sous-marine. Très important, d’avoir des théories.) Et puis elle est catégorique : elle ne partira qu’après avoir acheté un magnifique ciré de marin à Saint-Malo. Je la soupçonne même d’être plus émoustillée par le ciré malouin que par la perspective de notre fabuleuse aventure maritime. Ingrate.

Je tape ma réponse :

- Mais vous êtes là à traîner, vous, aussi, faut dire ! Depuis le temps que je parle de louer un voilier à la Marine Nationale, et que vous ne faites rien !

- Ben tiens, ça va être de notre faute, maintenant ! Avec un capitaine qui ne sait même pas reconnaître sa droite de sa gauche et qui pense encore que le poisson est un mammifère, tu comprendras qu’on ait des réserves !

C’est un coup bas. Elle non plus ne sait pas reconnaître sa droite de sa gauche. Quant au poisson, elle fait montre d’une étroitesse d’esprit qui me désole. Du coup, je boude.

Une heure plus tard :

- Je repensais aux Schmitt. C’est quand même bizarre qu’ils trouvent comme par hasard un galion espagnol alors qu’on cherchait une galère portugaise, au large de la Floride alors qu’on ciblait le même coin…

- ….Ceher, on visait l’Océan Indien…

- …ça fait quand même beaucoup de coïncidences, tu trouves pas ?

- Tu crois que les Schmitt nous auraient espionnés pour mieux nous voler notre galion ?

- Ca me paraît limpide.

- T’as raison, c’est un coup des Schmitt, on va pas se laisser berner par une bande d’Allemands déguisés en explorateurs avec des sandales Scholl ! Bon, faut qu’on aille à Saint-Malo !

- Pour quoi faire ?

- Ben pour acheter mon ciré, tiens pardi ! »

Elle sera utile, ma sœur, dans l’expédition : elle ne perd pas le nord.

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