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La vie dans mon quartier de lune
27 octobre 2012

L'achat immobilier

acheter-un-appartement

Ores donc, ce matin, je me suis délestée de l’intégralité de ma fortune personnelle avec légèreté et ai endetté mes descendants à venir sans l’ombre d’une hésitation. Ca, c’est la théorie. En pratique, le processus d’achat d’un bien immobilier, fût-il minuscule, en cette verte contrée s’étale sur trois mois si on laisse de côté la recherche elle-même, trois siècles et demi si on la prend en compte.

Du jour où vous vous levez en pensant pour la première fois « Tiens ! Et si j’achetais un appartement ? », vous êtes fichu. Un pénible et interminable chemin de croix se déroule devant vous. Fort heureusement, vous ne vous en rendez compte qu’à la moitié du chemin parcouru, une fois qu’il est trop tard pour faire demi-tour, en somme.

Il y a d’abord la recherche de l’appartement elle-même, donc. Si chercher un logement correct et abordable en pleine crise économique vous paraît être d’une facilité limite insultante, vous êtes tout à fait libre d’ajouter un niveau de difficulté supplémentaire en décidant, par exemple, de chercher un appartement correct et abordable en pleine crise économique à Paris. J’ai misé sur cette dernière option, c’est mon côté très joueur. Ce que j’ignorais, bien entendu, c’est que le chercheur d’appartement à Paris est un être d’une grande solitude qui évolue dans une espèce de no man’s land immobilier dont on ne dénoncera jamais assez les méfaits. A raison de 10 000 euros au m², il flotte en naufragé solitaire en s’accrochant à des calculs qui vous serrent le coeur : « alors normalement dans le 14ème arrondissement, je peux encore me payer au moins 17m², c’est super, 17m², c’est la cabine luxe sur un navire Costa !  Et en plus j’ai un hublot !»  La solitude du chercheur d’appartement à Paris se conjugue à tous les temps, entre d’un côté les Parisiens qui le toisent en disant « eh ben qu’est-ce que tu t’imaginais, c’est comme ça si tu as la prétention de vivre parmi nous, Parisien parce que je le vaux bien ! », et de l’autre côté les provinciaux qui le regardent sidérés en se demandant quel malade paierait ce prix pour 25m² dans une ville archi-polluée et à la qualité de vie proche du quotient intellectuel d’Eve Angeli. Celui qui veut acheter à Paris est seul, terriblement seul.

Mais il tient bon, et par un gros coup de chance – ou une grosse arnaque selon les cas – il finit par trouver. Son offre est acceptée, il est prêt à sortir le champagne parce que le plus difficile est forcément derrière lui. Oh là, jeune gaudelureau qui n’a rien vu de la vie ! Remballe ton champagne, parce que la vraie partie commence maintenant ! On va parler financement. Bienvenue dans le monde des requins. Si le chercheur accroché à sa bouée réussit à s’en sortir sans écueil, les banques sont là pour finir le travail. Comme je suis une petite maligne, j’ai dépêché un courtier (je sais, on dépêche plutôt un coursier, mais comme je confonds les deux termes, ça ne me dérange pas) pour démarcher les banques. En arrivant à mon premier rendez-vous avec mon courtier, j’ai tout de suite compris que je pénétrais dans le saint des saints, le temple du capitalisme : du parquet qui grince (note ma fille, note, tu mettras le même dans ton nouvel appart !), la machine Nespresso dans la salle d’attente, le journal Les Echos sur la table basse. La touche anglo-saxonne pour bien signifier qu’il n’y a plus de fric en France, avec la revue Real Estate Luxury et son Alain Afflelou des grands soirs en couverture. Humble devant tant de sérieux qui me crie que la finance est un domaine de gens utiles, pas comme les iconographes (moi), je me redresse d’un coup avec toute la fierté de mes ancêtres espagnols si j’avais eu des ancêtres espagnols (je n’en ai pas) : Afflelou, c’est sur le dos de ma myopie qu’il entasse des lingots, alors il pourrait en rabattre un peu.

La scène se passe en plein mois de juillet caniculaire, et l’ironie est que le sanctuaire de la haute finance n’a même pas de clim. Une mise en condition avant de rencontrer le grand prêtre pour le rituel sacrificiel, j’imagine. Le grand prêtre en question arrive, et m’assure qu’il « est toujours possible d’optimiser au maximum vos acquis, en les valorisant, par une deuxième ligne de prêt, sachant qu’un crédit doit toujours comporter une assurance logement de toute façon vous devriez en prendre une en externe afin de recentrer l’essentiel de vos valeurs sur de l’investissement progressif à 3% ». Il me rappelle ma comptable, dites donc. Je pense que c’est une stratégie guerrière parce qu’à ce stade, moi, je suis prête à signer n’importe quoi pourvu qu’il me promette de faire une phrase que je comprends.  En fin de compte, je suis mortifiée d’avoir à reconnaître, deux mois plus tard, que mon courtier a été une aide précieuse et indispensable dans tout le processus de financement (Grands dieux, je parle comme lui !!!) et que je serais prête à me prosterner de gratitude devant sa machine Nespresso.

Puis le grand final, l’étape qui vient couronner l’achat immobilier : la signature chez le notaire. J’arrive ce matin, donc, devant un immeuble haussmannien qui fait trois têtes de plus que moi. En attendant que le notaire vienne me chercher pour faire couler le sang de mon portefeuille, je m’assieds sur la chaise la plus proche de la porte, attitude dictée par l’instinct de survie le plus primitif et le plus fiable qui soit, et je me fais toute petite. J’essaie d’imaginer à quoi peut bien ressembler un notaire, sans doute un très vieil homme habillé en noir, qui me regardera forcément d’un air réprobateur du simple fait que je sois jeune, (si, laissez-moi mes illusions, je suis jeune). Il se posera dans son fauteuil de cuir sombre dans un bureau qui sent l’encaustique, et il joindra ses mains osseuses, à contrejour, en me fixant d’un oeil sévère. Je me ratatine sur mon siège en me retenant d’appeler ma maman au téléphone, quand débarque une jeune femme (enfin, de mon âge, quoi) avenante qui me tend la main « Bonjour, je suis Maître…. »

Mon courtier, mon banquier et ma notaire ont été adorables tout au long du processus. Tout fout le camp.

 

Illustration (c) Mam'zelle Pompom 2012 - Tous Droits Réservés.

 

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Commentaires
C
Merci Michèle! Le trésor, j'ai encore bon espoir de le trouver caché derrière la vieille baignoire en fonte dans la salle de bain, quand je vais commencer les travaux....<br /> <br /> Bon weekend à vous!
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M
...sans aucune remarque à faire, sur ce déroulement bien orchestré :)<br /> <br /> Bon week-end; je vais faire lire à mon époux !
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