Candicide

On vaque tranquillement à des occupations parfaitement inoffensives du style déplumer un poulet ou acheter un carnet de timbres, et la vie vous balance parfois une beigne sur l’os du derrière du crâne, là où ça fait très mal, un truc d’une violence inouïe.

J’ai moi-même été confrontée à ce rappel à l’ordre la semaine dernière, alors que j’accompagnais une amie acheter de la vitamine B à la pharmacie, pour vous dire à quel point c’était inoffensif (bien que l’amie en question vous dirait que la vitamine B, sous des dehors amicaux, peut vous ravager l’estomac au napalm en deux jours chrono, quelque chose de bien). Quand d’un seul coup, l’attaque. Injustifiée. Gratuite. Odieuse. Pendant que ma copine est occupée à payer son fix de vitamines, je me sens observée, et je lève les yeux. Une boîte de médicaments posée sur l’étagère derrière la pharmacienne me foudroie sur place, cette espèce de Gorgone (la boîte, pas la pharmacienne. Encore que.) et je lis en lettres de feu sur la boîte en question : Candicide.

Le moment est particulièrement bien choisi pour vous préciser que mon prénom est Candice. Non, je ne m’appelle pas réellement Céher, oui j’ai menti depuis le début sur ma véritable identité, en même temps je ne pensais pas que ça portait vraiment à conséquence, ce n’est pas non plus comme si j’étais le père de l’enfant de Rachida Dati, quand même. Et puis entre nous, si mon prénom avait véritablement été Céher, j’aurais eu autre chose à faire que d’amuser la galerie avec mes histoires, occupée que j’aurais été à me battre dans la rue pour défendre mon honneur face aux « eh, tes parents ils étaient bourrés le jour où t’es née, ou quoi ?? C’est bien, avec un prénom comme ça, tu pourras faire clown !»

Donc je m’appelle Candice. Dans ces conditions, on comprend mieux mon profond désarroi teinté d’un soupçon de paranoïa en tombant sur ce médicament en plein milieu d’une pharmacie tout ce qu’il y a de plus candiço-friendly. Mettez-vous deux secondes à ma place : un médicament qui vise clairement à vous éradiquer de la planète en toute impunité, ça vous pose question. Si sur ce coup-là vous manquez cruellement d’empathie envers le genre Candicien dans son ensemble, je vous invite à ajouter le suffixe –icide à votre prénom. Ainsi, mes lecteurs gérardisants tenteront l’effet d’un petit Gérardicide sur leur système nerveux, histoire de voir s’ils feraient autant les malins à ma place. Personnellement, je suis traumatisée à vie.

Candicide. Non mais y a des malades partout. Un type s’est levé un matin, il a du se faire plaquer par sa femme qui s’appelait Candice, alors il a mis au point une poudre mortelle visant à nettoyer la surface du globe de toutes les Candices. Au demeurant, je me demande bien ce qu’il y a dans sa poudre. Qu’est-ce qui peut bien avoir une action suffisamment ciblée pour épargner 99,99 % de la population humaine tout en faisant tomber les Candices raides mortes sur le parquet du salon ? Pour la Candice que je connais le mieux, c’est-à-dire moi, un simple contact visuel avec Carla Bruni suffirait, mais je ne suis pas entièrement persuadée qu’il s’agisse là d’un remède universel (je n’aime pas beaucoup Carla Bruni. Déjà, quand on a des initiales qui veulent dire Carte Bleue, c’est pas bon signe). Sans compter qu’il faudrait déjà passer le barrage des 47 gardes du corps payés par le contribuable français pour atteindre ladite Carla Bruni et avoir ainsi une chance de la réduire en poudre, sachant qu’elle-même ne l’a pas inventée (la poudre).

Non décidément je ne vois pas ce qui peut conduire tout un labo pharmaceutique à se liguer contre une Candice plutôt que contre, par exemple, une Jennifer. Et je trouve ça parfaitement insultant qu’un médicament vise aussi explicitement à m’exterminer, sans que personne ne s’en trouve plus choqué que ça.

Candices de tous les pays, unissez-vous, bon sang !!!

Illustration (c) Mam'zelle Pompom - Tous Droits Réservés