Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La vie dans mon quartier de lune
30 juillet 2012

La Place du Livre

place livre (c) Tyler trp0

J’ai toujours fantasmé sur les appartements new-yorkais des films de Woody Allen : du parquet en chêne qui grince et des kilomètres de livres qui courent le long des murs. Un vrai paradis d’intello. Je viens de réaliser mon rêve. J’ai l’appartement d’un côté, les livres de l’autre. Là où les choses deviennent un tantinet plus compliquées, c’est que les km de livres ne s’accordent pas tellement avec la taille de l’appartement en question. Ores donc, me voici plantée devant la montagne de livres que je vais devoir caser dans 50cm² de bibliothèque. Cette désagréable expérience me fait le même effet qu’une chaussure pointure 32 sur un homme chaussant du 45 et demi. Je me concentre et je m’imprègne de mes années d’école maternelle à faire entrer un énorme carré bleu dans un trou triangulaire lilliputien. J’y arrivais à 4 ans, me répété-je hardiment, pas de raison de ne pas y arriver à 33.

J’attrape le plan de mon futur chez-moi et je le fixe avec un optimisme débordant. J’envoie une brève prière au Dieu Shadok (Tout problème a une solution ; s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème) et j’effectue plusieurs triples axels mentaux avec mes 4 colonnes de livres. A gauche, contre le mur de la cuisine, je peux déjà en caser au moins deux. Un examen approfondi m’apprend qu’elles obstrueront à 97% l’unique radiateur de la pièce, mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. La troisième pourrait se caser dans le couloir histoire de réaliser enfin mon fantasme woodyallenien (note pour plus tard : vérifier quand même que la sortie de secours près de la fenêtre est praticable parce qu’une fois Colonne Number 3 en place, il sera inenvisageable de sortir par la porte d’entrée, ensevelie derrière 2 mètres et demi de bibliothèque). Chouette, je n’ai plus qu’une colonne à caser. Une copine m’a très judicieusement fait remarquer qu’un balcon, c’était super, ça faisait une pièce de plus, eh ben une pièce sans livres, c’est triste comme un jour sans pain, je m’en vais te caser la dernière colonne de bouquins sur le balcon, ça rendra le balcon tout de suite plus accueillant pour les parachutistes du 14 juillet qui auraient l’occasion de s’y échouer. Ca se fait beaucoup, ces temps-ci. Mes yeux tombent sur une 5è colonne de livres cachée derrière les quatre premières, et mon optimisme fait le même bruit que Nicolas Sarkozy il y a quelques années. Pschiiiiit….. Je recommence à zéro.

Je fixe hébétée la tragédie littéraire qui me fait face, quand Méphistophélès se met à siffler comme les locomotives à vapeur de l’ancien temps : « et si tu commençais par en bazarder, des livres, histoire de décongestionner un peu ta bibliothèque, mmmmmm ? » Méphisto fait le même bruit que Bourvil dans son sketch sur l’eau ferrugineuse, je le fusille du regard, l’option du tri préalable a déjà été explorée, en témoigne le sac poubelle rempli de trois livres gisant sur le sol comme une baudruche dégonflée. Je me suis fait violence pour trouver un bouquin à jeter, et je tremble encore à l’idée d’avoir besoin en urgence d’un ouvrage sur l’hypnose au quotidien ou sur le monde politique en 1977 une fois que les éboueurs seront passés. Il faut savoir que j’ai été élevée dans une famille où le jetage de livre est passible de la peine capitale, à savoir rester devant son endive froide jusqu’à 22h30 à la table du dîner. (Je fais ici référence à un épisode douloureux de mon histoire personnelle qui ressort régulièrement comme un témoignage de survivant). Je regarde les tonnes de pages étalées devant moi d’un air consterné et je hurle à la lune : « mais ça ne tiendra jamaiiiiiiiiis !!! » Dans un sursaut de courage, je consens à jeter une méthode d’espagnol  intitulée « l’espagnol d’aujourd’hui » avec une étiquette de prix en francs qui me permet de prendre une certaine distance avec le terme « aujourd’hui » du titre, ainsi qu’une débilité sans nom écrite par le descendant de Bram Stocker, qui me servirait de papier pour le feu si j’avais une cheminée dans mon minuscule appartement. Je n’en ai pas, Dracula the Un-dead descend donc aux Enfers directement sans  passer par la case Cheminée et sans toucher 20 000 francs.  Mon regard s’illumine quand j’aperçois un vieux poche dont je n’ai aucun souvenir et que je peux donc jeter sans scrupule, avant de me rappeler que ce bouquin ne m’appartient pas. Damned, encore raté. La solution par le vide ne s’impose pas, j’abandonne cette route pour envisager une nouvelle stratégie.

Après plusieurs décennies de réflexion, j’en conclus qu’il ne me reste que deux alternatives : soit je dois agrandir l’appartement, soit j’accepte sereinement la possibilité d’un espace de vie encombré de livres. Comme j’ai un doute sur l’accord du syndic de l’immeuble quant au fait de repousser les murs pour empiéter de 2 mètres chez le voisin de gauche et chez le voisin de droite, j’opte pour la seconde solution. J’ai toujours été bordélique, autant rester en accord avec soi-même jusqu’au bout. Il me faut juste prier qu’un comité Hygiène et Sécurité ne s’enquière pas un beau matin de mai fleuri de l’accès aux sorties en cas d’incendie.

 

Photo (c) Tyler trp0 - Tous Droits Réservés

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Oui, genre tabouret en livres, table en livres, gâteau de livres, fromage ou livres, et un livre de beurre...
Répondre
T
Tu pourrais les fixer aussi au plafond? mais ça risque de rétrécir la pièce. Ou alors tu t'en sers comme meubles?
Répondre
La vie dans mon quartier de lune
Publicité
Archives
La vie dans mon quartier de lune
Derniers commentaires
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 41 015
Publicité