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La vie dans mon quartier de lune
20 mars 2012

Volcan

volcan yves simonComme souvent, la télévision me fournit le sujet du post de ce soir. Les volcans. Et le premier qui vient m’agiter son index sous le nez parce que ces jeunes qui passent leur temps affalés devant la télé et gna gna gna, je lui réponds que d’abord il est malpoli d’agiter son doigt sous le nez des gens, et qu’ensuite, je ne suis pas jeune. Les volcans, donc. En voilà des plus vieux que moi, au passage.


Alors quand je dis volcan, je ne parle bien sûr pas du volcan Volvic, la montagne chauve, pas celle de Moussorgski, l’autre, la pas connue, plate comme une soucoupe volante et à peu près aussi terrifiante qu’un tigre aux dents de sabre sans dents de sabre. Il faut reconnaître que le coup du « un volcan s’éteint, un être s’éveille », rien de tel pour vous foutre par terre le potentiel terreur nocturne et puissance majestueuse d’un saladier de lave. Ca, on peut compter sur les publicitaires pour transformer une bombe naturelle à forts effets pyrotechniques en gentil tableau champêtre façon Heidi et Grand-Père. Heureusement, le reportage de ce soir a remis bon ordre là-dedans.


Je m’installe devant France Ô en toute innocence, rêvant de paysages exotiques et espérant secrètement glâner des idées de destinations pour mes prochaines vacances. Je m’émerveille devant la splendeur naturelle de la végétation qui envahit mon écran à la faveur d’un reportage sur la Réunion, la barre de téléchargement de ma conviction a presque atteint les 100%, et me voilà carte bleue à la main, prête à réserver mon billet sur le site d’Air France, quand le téléchargement susmentionné s’interrompt brutalement à 98% effectués, à peu près au moment où le présentateur du reportage, les deux pieds plantés fièrement dans ce que j’ai pris jusque-là pour de la terre très brune comme de la lave refroidie et qui se trouve être de la lave refroidie, en fait, prononce le mot « volcan ». Ce mot produit le même effet sur moi que la compote de citron au zeste d’orange sur un individu malchanceux allergique aux agrumes. Je suis allergique aux volcans. Comme je n’ai pas mon père sous la main, je consulte Wikipedia : ma copine Wiki me confirme que La Réunion est aussi truffée de volcans que l’appartement de Pierre Richard  dans le Grand Blond avec une chaussure noire l’est de micros. Mentalement, je trace une énorme croix sur l’île de la Réunion pour lui faire rejoindre la catégorie des pays-dans-lesquels-je-n’irai-jamais, à côté des pays à plus de 7 heures d’avion de chez moi, des pays où l’on mange des chats et des sauterelles grillées, et des pays dont moins de la moitié des Français partis ne parvient finalement à revenir pour diverses raisons selon le Quai d’Orsay.


Je n’aime pas beaucoup les volcans. A vrai dire, ils me font le même effet que les hommes qui travaillent dans la finance : ils me fascinent, mais plus ils sont loin de moi, mieux je me porte.  On a beau avoir tenté de me faire prendre des vessies pour des lanternes quand j’étais petite à coups de « mais c’est jamais qu’une montagne avec un peu de feu dedans, tu sais, ma pounette ! », ça prend pas. Une montagne n’a jamais servi à abriter des boîtes d’allumettes, c’est de la roche, une montagne, avec des pistes de ski dessus et des tunnels autoroutiers à l’intérieur. Pas un chaudron magique avec le feu de Dieu au tréfonds de son âme. Pas besoin d’être sorti de la cuisine à Jupiter pour savoir ça, comme dirait Coluche. J’ai donc développé une méfiance naturelle à l’égard des volcans au fil des années, vérifiant régulièrement que la région parisienne présentait un terrain relativement calme en matière volcanique, et évitant les montagnes à l’aspect douteux autant que faire se pouvait.
Précautions qui vous paraissent peut-être ridicules, amis lecteurs, mais sachez que le volcan a un compte à régler avec votre humble serviteuse, et que la foudre volcanique me poursuit aussi sûrement que la mort du film Destination Finale traque sans relâche les miraculés du crash aérien (je m’efforce de choisir des exemples imagés pour faciliter la transmission du message véhiculé par ce post, merci de s’abstenir de commenter les partis pris cinématographiques de l’auteur). En l’an de grâce 2000, l’Etna, qui n’avait pas fait parler de lui en 25 ans, a pété la seule et unique nuit où je dormais dans la ville qui s’étale sur son flanc. Aussi innocente que l’agneau qui vient de naître, je dormais avec un sourire béat sur les lèvres quand un grondement Jésus-Marie-Joseph m’a fait sauter de mon lit comme un diable hors de sa boîte, et j’ai cru l’espace d’une seconde qu’un joueur de cor anglais venait de s’installer à l’intérieur de mon tympan. Au deuxième roulement sourd et aux yeux effarés de la copine qui partageait ma chambre d’hôtel, il a bien fallu se rendre à l’évidence : le coup du joueur de cor anglais aurait été un moindre mal. Il y a quelque chose de surréaliste à voir une coulée de lave incandescente se dessiner sur le sommet d’un volcan au beau milieu de la nuit. Nos deux cerveaux n’ont pas été de trop pour repasser mentalement toutes les tables de multiplication de notre jeunesse et calculer à quelle distance nous étions de la coulée, et s’il fallait courir très vite en levant les bras en l’air en direction de la mer, ou bien si nous avions le temps de poster nos cartes postales avant.  


Depuis ce jour, telle une femme trompée, je me suis méfiée des volcans. J’ai par conséquent du mal à m’expliquer comment j’ai pu me retrouver plantée sur les pentes du volcan le plus imprévisible d’Europe pas plus tard que l’année d’après. Impossible de me souvenir s’il s’agit d’un moment de faiblesse ou d’une épreuve de Fort-Boyard qui aurait mal tourné, toujours est-il que me voilà en pleine ascension du Vésuve, en compagnie de la seule personne au monde qui doit avoir encore plus la trouille que moi des volcans, j’ai nommé ma sœur. Une sorte de folie familiale passagère, sans doute. Autant les invités de Frédéric Lopez en Terre Inconnue s’en sortent toujours avec grâce, autant la fratrie Ceher n’a pas la moindre notion de dignité en situation de danger potentiel. Pour commencer, va savoir qui c’est qui a construit le Vésuve, encore un architecte avec des idées for-mi-da-bles plein la tête mais qui n’aura pas à vivre dans son projet au quotidien, mais c’est drôlement mal fichu : imaginez-vous un cône qui menace d’exploser comme une cocotte –minute d’un instant à l’autre, au long duquel s’enroule un chemin de 20 cm de large environ sans garde-fou, sur lequel s’engagent une demi-douzaine de masochistes prêts à risquer leur vie pour le plaisir d’aller prendre une malheureuse photo au sommet. Dieu seul sait pourquoi, ma sœur et moi nous sommes retrouvées à un bref moment de notre existence parmi cette demi-douzaine-là. Abordant le dernier tiers de la montée vers le cratère, nous faisons une pause, et évitons de regarder le précipice à deux pas sur notre droite quand le précipice en question disparaît. Ma sœur disparaît. Mes pieds disparaissent. Un brouillard blanc et opaque nous descend dessus en 20 secondes chrono, plus rapide que la Redoute, en plus d’être volcanophobe, je suis claustrophobe, et je n’ai jamais eu si peur de toute ma vie, j’ai cru que Rick Moranis m’avait enfermée dans un paquet de coton hydrophile après m’avoir rétrécie comme ses gosses. Il a fallu finir l’ascension du volcan à travers ce brouillard à couper au couteau, à ne pas voir à 5cm, et pendant tout  le reste du trajet, j’ai manifesté une créativité insoupçonnée dans les insultes dont je m’accablais toute seule pour me reprocher d’avoir une fois de plus laissé la malédiction volcanique me rattraper. Et pour couronner le tout, le brouillard a sabordé mes photos.


L’année d’après, j’ai regardé un reportage de la BBC sur Yellowstone et j’ai découvert par inadvertance le concept de « super-volcan ». Depuis, je suis en thérapie.

 

Photo (c) Yves Simon

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