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La vie dans mon quartier de lune
22 février 2012

Predator et la madeleine

madeleineHistoire d’éviter l’AVC, l’Attaque Veule de ma Caboche par immersion sans oxygène dans une mer de travail, j’ai fait une pause, la pause madeleine. C’est reconstituant, une madeleine, avec tout ce beurre et ces bonnes choses, et puis la forme arrondie d’une madeleine a quelque chose de doux et de rassurant, je trouve. Un Mars aurait aussi très bien pu faire l’affaire, là n’est pas la question, le Mars et la Madeleine, en plus de commencer par les mêmes lettres, ont plein de choses en commun, d’ailleurs les producteurs de Mars avaient initialement pensé à caster la madeleine dans le rôle du Mars, mais « Une Madeleine, et ça repart », ça n’aurait pas tellement fait vendre, ou alors il fallait cibler un autre marché, une génération plus haut. Bref.

J’attrape nonchalamment une madeleine dans mon paquet de madeleines, puisque c’est quand même là que j’ai le plus de chances d’en trouver, et je déguste ma madeleine.

La vie, c’est la jungle. Assise inoffensive sur mon canapé à regarder les miettes tomber, comme d’autres en leur temps les hommes (si vous ne connaissez pas vos classiques, ce n’est pas ma faute), je ne me doute pas qu’un prédateur féroce vient de verrouiller son lance-missile sur moi. Etrangement, au milieu de ma bouchée qui n’en finit pas (le problème avec les madeleines, c’est que c’est un peu bourratif), je constate que l’accoudoir du canapé a deux yeux qu’il ne possédait pas avant, je suis catégorique sur ce point. Deux grands yeux verts se dessinent comme un arc-en-ciel monochrome et semblent fixés sur une cible pas si lointaine que j’identifie rapidement comme étant la madeleine que je tiens à la main. Je cramponne mon quatre-heures, je me dépêche d’avaler la bouchée en cours, je manque de m’étouffer, qu’est-ce que ça peut être sec quand même, une madeleine, j’aurais du emporter une thermos, je n’ai plus le temps, les yeux s’affinent de plus en plus jusqu’à n’être plus que deux fentes, c’est flippant, je déglutis vite fait pour prendre tout ce que je peux prendre en terme de madeleine, et résultat, ça embouteille sévère au niveau de l’œsophage. J’attends que le trafic reprenne, et je marque une pause, en jaugeant mon adversaire.

L’adversaire en question s’est rapproché, les yeux sont maintenant suivis d’oreilles parfaitement aplaties, en mode chasse. Je garde pour moi la réflexion que ce mode chasse-là fait furieusement ressembler le prédateur à Ioda, mêmes yeux, mêmes oreilles démesurées aplaties sur les côtés et même regard énigmatique dont on ne sait jamais s’il reflète la plus pure intelligence ou une forme avancée de stupidité particulièrement bien dissimulée.

« N’y pense même pas », dis-je à l’adversaire que j’ai bien reconnu malgré son approche à la Shere Khan. Démasqué, mon Shere Khan plein de ressources s’adapte à son environnement avec une facilité déconcertante et passe alors à la technique de l’agression par l’enjôlement sans se démonter. Approche beaucoup plus ouverte et transparente, puisqu’il saute sur le canapé, tente de paralyser sa proie en émettant un ronronnement que l’on appellera le bourdonnement de la mort, j’ai l’impression que quelqu’un est en train de passer un motoculteur sur le canapé à côté de moi, et j’attends la suite avec une curiosité non dissimulée.  Je ne bouge plus, la créature se repère au mouvement, pas question d’agiter la madeleine, pour peu que le vent souffle dans ce sens-là, elle se trouverait alors pleinement exposée et sans défense. Ioda-les-grandes-oreilles est un pro, il n’a pas besoin de faire appel à ses racines indiennes pour identifier les odeurs gourmandes transportées légèrement par la brise folâtre du matin, son radar lui indique au nanomètre près où se trouve la madeleine.

 

« D’où tu aimes les madeleines, toi ? », lui lancé-je, espérant faire diversion.  Ignorant délibérément ma respectueuse question, il progresse rapidement sur un terrain pourtant hostile, me grimpe dessus sans ménagement avec ses petites pattes qui me rentrent dans les côtes, dans LA côte, et s’approche dangereusement de la cible finale.

Dans une tentative désespérée de sauver ce que je peux sauver, je serre la madeleine et m’apprête à la fourrer entièrement dans ma bouche, au risque de mourir par étouffement dans la seconde. J’ai omis un détail, qui me coûtera la moitié de madeleine restante : le trajet de la main à ma bouche implique un passage rapproché sous le nez de Predator qui a collé son museau contre le mien. Il attrape la madeleine au vol dans un coup audacieux qui lui vaut d’emporter le point – et le lambeau de madeleine. Je capitule. Mais Predator n’a pas le triomphe modeste, il ronronne tout en dépeçant le gâteau, et m’arrose copieusement au passage de miettes baveuses. Je retourne travailler, je n’ai plus faim.

 

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