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La vie dans mon quartier de lune
12 janvier 2012

Les hormones

Une chose me terrifie encore plus que l’idée que le ciel me tombe sur la tête : l’idée qu’une colonie de minuscules agents puisse se balader à l’intérieur de mon organisme en toute impunité et régner en maître absolu sur mes humeurs. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous présenter mes hormones.

Les hormones, le seul élément physiologique qui représente un véritable défi aux illustrateurs de manuels scolaires de biologie. La cellule, c’est un rond, le noyau, c’est un rond au milieu du rond, mais les hormones ? Un élément non identifié du corps humain, qu’on ne mentionne donc qu’en s’étouffant pour cacher la misère : « l’organisme est constitué de sang, de cellules, et de kof…kof…kom ». L’élocuteur s’étrangle dignement à cause de ce soi-disant reste de bronchite dont il n’arrive pas à se défaire depuis Noël 2009. Je tiens d’ailleurs à souligner qu’en dépit de leur grande ressource créative en matière de dessins animés chiants, même les scénaristes de « Il était une fois la vie » n’ont pas osé s’attaquer aux intrépides hormones : celles-ci, sujet abstrait, sont aussi présentes dans le paysage audiovisuel français que le génocide arménien dans la mémoire collective turque.

Attention, cependant, l’existence quasiment clandestine des hormones ne doit surtout pas masquer leur formidable force de frappe. Elles font la pluie et le beau temps dans le corps humain, tout en restant dans l’ombre. Bref, s’il fallait donner des idées aux malheureux illustrateurs des manuels scolaires de biologie dont on a déploré le manque d’imagination plus haut, je suggèrerais une représentation allégorique du parrain de la Mafia, ou du gourou de secte. Mêmes procédés, mêmes résultats. Tous ces petits bidules qui dansent la lambada dans mon intérieur en agissant sur mes humeurs sans jamais se montrer, personnellement, ça me fait flipper. Mes hormones ne sont pas sans m’évoquer le méchant dans l’Inspecteur Gadget, dont on n’aperçoit jamais que les mains et qui blanchit encore mes nuits après toutes ces années.

Imaginons donc ces hormones, organisées en carré militaire comme, au choix des représentations personnelles, les milices hitlériennes ou bien les légions romaines dans Astérix, et qui, par leur simple présence, font pencher ma journée vers un optimisme exalté semblable au Lièvre de Mars sous Redbull, ou au contraire l’entraîne dans le pessimisme le plus abyssal.

Comme toute démonstration scientifique requiert un exemple pour l’étayer, en voici un tiré de mon expérience personnelle relativement récente, puisqu’elle date d’hier : à la suite d’un petit coup dur anecdotique qui m’a vaguement envoyée faire un tour du côté du suicide par inhalation de pot d’échappement d’autolib, j’ai traversé une journée quelque peu cahoteuse, et joué à un jeu auquel je me livre de temps à autre avec moi-même : « combien de temps je peux tenir sans me mettre à pleurer comme une madeleine ? » Malgré mon chagrin et ma tendance dépressive de circonstance post-grippale et parce que je n’avais pas mangé mes cinq fruits et carrés de chocolat quotidiens, je jubilais (intérieurement pour ne pas troubler la paisible  tristesse qui enveloppait ma journée), parce que j’explosais les high scores de mon jeu perso. Alors que la vue d’un escargot écrasé suffit d’ordinaire à me transformer en vallée de larmes, mon mini-séisme d’hier me laissait aussi sèche que les nappes phréatiques pendant la canicule de 2003. Un véritable triomphe. Je m’endurcis, me suis-je dit en me tapant virilement le torse du poing, avant de me rappeler que j’avais la cage thoracique en miettes et que jouer du tam-tam dessus allait sans doute se payer à courte échéance. Mais partie dans un grand élan de stoïcisme, je suis demeurée impassible, et la cruauté avancée de mes deux côtés fêlées ne m’a pas arraché la moindre larme. (Pour ceux qui se demandent si je n’ai pas un peu perdu de vue les hormones au cours de ces dernières lignes, j’y viens.) Toute en tristesse intériorisée et en yeux secs comme le désert de Gobi, donc, j’erre à travers ma journée sans trop de heurt mais l’âme en peine.  Je me glisse dans mes draps le soir avec un « Finalement ça ne va pas trop mal » un peu bravache, j’attrape mon iPhone pour vérifier mes messages une dernière fois avant de me coucher. Et je trouve, comme une petite pépite, un message d’une amie, quelques lignes très sobres pour me souhaiter bon courage. A travers ces quelques mots, j’entends toute l’affection et le soutien que j’imagine chez cette personne, et comme si je me déchargeais d’un coup sur ses épaules de tout le poids qui pesait sur les miennes, je fonds en larmes.   Foutues hormones, donc.

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Commentaires
C
Et si les hormones agissaient aussi sur le potentiel de patience plus ou moins développé selon les individus? (Clairement, toi et moi appartenons aux individus moins développés dans ce domaine. Le monde appartient à ceux qui se lavent tôt, ou un truc dans le genre, d'où ma toilette matinale sur les coups de 5h30 du matin).
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V
Copine!<br /> <br /> Comme tu vois, je n'ai pas pu attendre demain matin! :-) (= smiley inoffensif, sans arrière-pensée et tout à fait sympathique!)
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