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La vie dans mon quartier de lune
11 janvier 2012

Foudroyée

Elle en a marre. Marre de ressentir toujours cette douleur fulgurante, cette sensation de chute tandis que son cerveau assimile difficilement les quelques lignes, parfois les quelques mots qui font s’écrouler sa vie. Marre de vivre la scène doublement, de l’intérieur et de l’extérieur, comme une mise en abyme terrible : elle lit ces lignes sur son téléphone, son écran d’ordinateur, comme on déglutit avec difficulté lors d’une mauvaise angine, elle sent son corps réagir à la première attaque sémantique, dès que le premier fragment de sens atteint son cerveau. Et puis elle se dédouble, et s’observe en train de lire ce texto, cet email, elle s’incarne en même temps dans une tierce personne qui observe la scène et suit les premiers signes du bouleversement intérieur sur les traits de son visage. Elle sent son cœur sur le point d’exploser, cette minute d’immobilité avant la chute, elle calcule les dégâts tout en se voyant calculer. Elle voit sa peine en la ressentant, et cette simultanéité la foudroie doublement. Elle ploie deux fois sous le coup d’une seule attaque, elle se voit tomber et ce regard accélère son vertige. Elle se noie tout juste, qu’elle anticipe déjà la deuxième vague, avec cette conscience aiguë qu’elle sera moins violente que la première mais tout aussi destructrice. Elle connaît déjà la texture des heures qui vont suivre, la saveur du chagrin se dépose déjà sur ses lèvres comme le sel agressif de la mer. Elle sait qu’elle va en baver, une fois de plus. Et cette fois de plus est une fois de trop. Elle ne veut plus de ce moment douloureux qui vient lui reprendre tout ce qu’on lui a donné, elle ne ressort plus indemne de ces chutes, les cicatrices sur son cœur ne se ferment plus tout à fait et chaque plaie supplémentaire menace un peu plus sa guérison.

Elle est lasse. Cette acidité qui précède la conscience de l’effondrement l’épuise, elle aspire à une sérénité qui lui échappe un peu plus chaque fois, elle est fatiguée de ces débordements et se dit que la vie est un ressac entre deux formes de douleurs, le mal-être doux qui précède l’amour, et le mal-être amer qui lui succède quand l’amour n’est plus là. Elle voudrait parfois ne plus exister, parce qu’exister constitue un effort qu’elle ne se sent plus la force de fournir. Elle ne veut plus représenter cette cible évidente sur laquelle s’abat toute la douleur du monde à chaque désillusion, chaque ligne, chaque mot d’un texto ou d’un email, quand son monde s’effondre. Elle se demande combien de lignes, combien de mots encore, avant qu’elle ne s’effondre elle-même.

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Commentaires
C
La vie n'est pas un long fleuve tranquille... Merci chère lectrice assidue.
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V
J'ai du mal hélas à cliquer sur le bouton F-j'aime : j'aime le style, j'aime la prose mais déteste la raison de ce texte.<br /> <br /> Courage, Céher.
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