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La vie dans mon quartier de lune
13 novembre 2011

les bestioles

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Je souhaite aborder ce soir avec vous un sujet douloureux et délicat, qui touche, j’en suis sûre, des millions d’entre nous,  mais sur lequel s’exerce une abominable loi du silence. Les insectes. Amis entomologistes, veuillez passez votre chemin, nous n’allons pas parler ici des élytres du coléoptère ni de la chrysalide de l’Hespérie du Marrube, pour la dictée de Bernard Pivot, adressez-vous ailleurs. (Je tiens à signaler que l’Hespérie du Marrube existe réellement, je l’ai piochée sur Google pour la touche authentique. Avec un nom tordu comme celui-ci, j’aurais attendu quelque chose d’un peu plus grandiose qu’un papillon de nuit, mais on ne m’a pas non plus demandé mon avis pour la nommer. A ce propos, est-ce qu’il y a un type qui se baladait un jour en Polynésie avec son filet à papillons et qui, tombant sur un specimen un peu terne, s’est dit : « tiens, ma mignonne, je vais te baptiser. Dorénavant, je te fais Hespérie, chevalière de la Marrube »?  Et Marrube, franchement ??? Bref.)

Nous allons donc nous concentrer sur l’aspect sociologique de ces petites bestioles qui nous pourrissent l’existence. Très tôt, le jeune enfant nourrit une forme de racisme envers tout ce qui a plus de 4 pattes. N’étant pas encore en mesure d’affronter l’insecte tout seul, il développe une défense somme toute très efficace, basée essentiellement sur le volume sonore : « Papaaaaaaaa ! Y a une bêêêêêêête dans ma chambre !!! » Le paternel accourt (je note toutefois qu’il accourt de plus en plus lentement au fil des années et en râlant de plus en plus fort : « mais tu peux pas te débrouiller toute seule, nan ? » Tant qu’il s’exécute quand même,  il est conseillé d’ignorer ses ronchonnements.) Ca dure à peine une minute, tout est propre, net, il repart en martelant la phrase rituelle et horripilante que nous avons tous entendue au moins une fois: « T’as pas honte ? C’est pas la p’tite bête qui va manger la grosse ! », et on peut se coucher tranquille .

Inévitablement, l’enfant est un jour pris d’une irrésistible envie de faire pipi en plein milieu de la nuit, et c’est le drame. Le paternel n’est pas programmé pour la chasse à l’araignée à deux heures du matin. L’enfant met mentalement dans la balance le danger que représente l’araignée, et celui que représente un paternel réveillé en pleine nuit pour une bestiole, et en conclut qu’il va devoir se débrouiller tout seul. Il mûrit son plan. Par un curieux paradoxe, il refuse de tuer l’insecte/ l’araignée (j’entends d’ici les puristes qui vont crier au scandale parce que l’araignée n’est PAS un insecte mais une arachnéide. Franchement, je m’en soucie comme de ma première trottinette à moteur, ce que c’est, du moment que c’est loin de moi.), soit par sursaut d’humanisme, soit, plus vraisemblablement, parce que quand on écrase une bête, ça fait schpouârk, pis ça gicle, c’est dégueulasse, nan c’est franchement pas envisageable. Seule solution valable : mettre la bestiole en question dehors. On réfléchira plus tard au problème d’ouvrir la porte d’entrée à 2h du matin sans affoler maman qui va croire qu’un cambrioleur pervers est en train d’enlever sa fille, une chose à la fois, chacun sa croix, c’est pas l’Armée du Salut, ici. L’araignée, donc. L’enfant comprend qu’il lui faut des armes, il établit mentalement une liste (un verre et un papier cartonné) et en conclut qu’il va devoir passer par la cuisine avant de s’occuper de la bête. Là, dilemme épineux : sans le passage obligé par la cuisine, pas d’arme, donc situation bloquée. Mais s’il s’aventure jusqu’à la cuisine, cela signifie qu’il doit quitter des yeux l’araignée et prend donc potentiellement le risque de la laisser courir se planquer pendant son absence, et revenir le dévorer pendant son sommeil. La difficulté du choix le paralyse pendant 10 bonnes minutes, au terme desquelles l’araignée bouge une patte. L’articulation de la patte de l’araignée produit sur l’enfant le même effet que le battement d’aile du papillon : une chaîne d’événements se met en place, le petit n’hésite plus, il court jusqu’à la cuisine, saisit un verre propre, attrape une enveloppe et revient dans sa chambre, ralentissant précautionneusement en arrivant sur le seuil. La bête est toujours là, soupir de soulagement, il s’approche tout doucement, l’araignée bouge une deuxième patte, il recule en se retenant de hurler, contourne l’animal, approche le verre renversé tout doucement, retient son souffle, et pof ! Il  emprisonne la bestiole. Il glisse l’enveloppe dessous, regarde l’araignée d’un air triomphant, lui tire la langue, et trottine jusqu’à la porte d’entrée pour la mettre dehors. Il referme la porte, tend l’oreille, maman se fiche pas mal qu’un cambrioleur pervers soit peut-être en train d’enlever sa fille, l’enfant peut aller faire pipi. C’est la première victoire de l’humain contre les insectes. L’enfant est devenu une femme ce soir-là.

Au fil du temps, elle affine ses techniques de chasse, et les adapte à la bestiole concernée. Les araignées sont vite expédiées, avec quelques émissions sonores qui varient selon la grosseur de la prise (un « aouaahahahahaha » lancé bien fort a des vertus thérapeutiques, c’est vérifié. Assurez-vous simplement que vos fenêtres soient bien fermées ou bien attendez-vous à des regards étranges de la part de vos voisins le lendemain matin). Les moustiques sont exterminés prestement avec des dégâts minimes. Les mouches nécessitent un peu plus d’investissement à cause de leur stupidité avancée, mais leur sort se règle à l’extérieur également.

Restent les punaises. Ma hantise est de partir en vacances avec des amis et qu’une punaise se glisse dans la pièce de la location/caravane/chambre d’hôtel parce qu’alors ils découvriraient une facette de moi qu’ils ne connaissent pas et je serais confrontée à la solitude intégrale de celle qui vient de perdre tous ses amis.  Non, décidément, les punaises, ce n’est pas de mon ressort. « Papaaaaaaaaaaa ! »

 

 

 

Image (c) Valessiobrito Tous Droits Réservés

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Commentaires
C
Alors ça, ça met du baume au coeur, et cher Jacques, tu me pousses au vice!!! Déjà que j'écris même quand on ne me sonne pas, tu penses bien que je ne vais pas me gêner pour continuer si des gens au goût très sûr me demandent de continuer!<br /> <br /> J'y travaille, à la feuille, j'y travaille!!!
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J
pfff Ecrivain ! Je vais sortir de tes mots de tes phrases de ton humour, pour ne voir que le regard au microscope que tu portes sur le monde avec une précision qui me rendrait presque jaloux. C'est parfait, moi chuis fan et si un hebdo ou mensuel faisait paraitre une feuille de toi, je m'abonnerai sur le champ. Continue, tu nous fais découvrir tout ce que l'on sait sans savoir l'exprimer.
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